Comment se réinsérer dans la société après une lourde condamnation et des années de prison ? Comment se loger et retrouver un travail et comment renouer avec ses enfants ? A ces questions qui hantent les sortants de prison, les bénévoles du mrs apportent des réponses concrètes. L’histoire de Xavier en témoigne.
Pour Xavier (le prénom a été changé) et sa famille tout bascule le 1er mai 2008. Xavier a 35 ans. Il est écroué à la Maison d’arrêt de Nanterre. La Cour d’assises des Yvelines le condamne en décembre 2010 à 10 ans de réclusion criminelle. Tout laisse alors penser que le malheur s’est à jamais abattu sur cette famille. Pourtant, malgré le pire, il est possible aujourd’hui de scruter l’avenir avec un espoir raisonnable.
Dès son incarcération, Xavier entame le long et rugueux chemin de la réinsertion. Comme tous les condamnés à une peine de prison, une date l’obsède, celle du jour de sa libération. Mais pourquoi faire ? Et comment le faire après tant et tant de jours, de nuits, de mois, d’années, derrière les hauts murs de la prison ?
Xavier, lui, y a réfléchi tout de suite. Il l’affirme aujourd’hui :
– « Dès que j’ai été transféré de Nanterre à la prison de Melun, je me suis renseigné auprès du SPIP (1) pour savoir s’il était envisageable d’obtenir une permission de sortie. Je voulais déjà préparer ma sortie. Je ne pensais qu’à ça»
Après un bac G et et des études en Sciences économiques à la Fac, Xavier avait finalement passé le permis poids lourds et travaillé pendant 10 ans comme chauffeur routier :
– « Je suis un solitaire, confie-t-il, j’aime ce métier et sa liberté. Et puis ma vraie passion c’est la musique. Je chante, je joue du piano »
Xavier est un actif.
En détention à Nanterre, on l’emploie aux ateliers puis comme auxiliaire cantinier. A Melun, il suit un CAP de peinture et au Centre de détention de Val de Reuil, il est assidu à des cours de niveau lycée et se lance dans une formation BTS assistant de gestion PME /PMI.
Les yeux rivés sur l’avenir, Xavier s’active partout où il passe. Il démontre ainsi son dynamisme et sa volonté de réinsertion. Il espère obtenir des réductions de peine et un aménagement de peine, et tout d’abord une permission de sortie. Pour rencontrer un éventuel employeur et dénicher un éventuel hébergement, ces deux conditions aussi indispensables qu’ingrates pour être admis à une semi liberté ou à une libération conditionnelle doivent être réunies.
Il raconte
– « En prison j’ai noué des liens amicaux avec l’aumônière. Je l’aidais le dimanche en jouant du piano pour la messe catholique et le culte protestant. Je ne suis pas un croyant mais je ne suis pas hostile à la religion. Peu à peu, je suis rentré dans l’aumônerie, j’y ai noué des liens amicaux. Avec d’autres intervenants en milieu carcéral et des détenus qui ont formé une chorale, elle m’a aidé à réaliser un disque. Un jour alors que nous discutions de mon avenir, un intervenant de l’aumônerie m’a proposé de me mettre en relation avec les collaborateurs d’un de ses amis, patron d’une société susceptible de m’embaucher. Il me fallait donc solliciter cette fameuse permission de sortie pour me présenter. »
Xavier consulte sa CPIP, sa conseillère pénitentaire d’insertion et de probation (2)
« Tout passe par elle, explique-il, c’est à dire par le SPIP. Une aide précieuse! La conseillère d’insertion expose au détenu les solutions possibles, les démarches à effectuer, les délais à respecter, les formalités à remplir, les droits et les devoirs. Elle préconise telle ou telle mesure, rend compte au juge d’application des peines qui décide au vu du dossier. Sans le SPIP rien ne se passe : impossible de contacter un juge. J’ai eu ma première permission en novembre 2013 pour un rendez-vous avec le responsable du recrutement de l’entreprise. Puis une deuxième pour finaliser le contrat. »
Toujours en étroite relation avec sa conseillère, Xavier demande et obtient le feu vert pour des permissions dites familiales. Une de trois jours et une autre de dix jours qui lui permettent de renouer et de revivre un peu avec ses enfants.
« Avant ces permissions, je ne pouvais les embrasser qu’à l’occasion des parloirs où ils sont toujours venus me visiter » se souvient-t-il.
Deuxième volet de l’aménagement de peine : l’hébergement du détenu autorisé dans certains cas à se loger en ville. Un hébergement souvent encore plus difficile à trouver qu’un travail. Là encore c’est la conseillère d’insertion qui met Xavier en relation avec le mrs.
Il décroche encore une permission de sortie pour un rendez-vous avec Éric, responsable de l’antenne du mrs 92 à Nanterre et Marie, travailleur social au mrs. Le rendez-vous s’avère constructif et sera suivi par de nombreux entretiens avec Olivier, accueillant au mrs qui prend le relais. Dès lors Xavier sait que le mrs l’hébergera s’il bénéficie d’une semi liberté ou d’une libération conditionnelle. Le mrs s’y engage formellement auprès du juge.
Le 25 février 2014, le service de l’application des peines du tribunal de grande instance d’Evreux se prononce. Il accorde une semi liberté très souple et assez rare. Elle prendra effet le 13 mars 2014. Xavier devra désormais résider dans une chambre dont dispose le mrs dans un hôtel en banlieue parisienne. Mais il aura obligation de passer un week-end sur deux en détention au centre de semi liberté de Villejuif, du vendredi 20 heures au lundi 6 heures.
Doté d’un contrat de travail, un CDD de 6 mois, Xavier prend le volant de son poids lourd. Son nouveau patron lui a fait passer l’indispensable et coûteux FIMO, un stage d’un mois dédié aux futurs pilotes de gros camions avec grue. Au bout d’un mois et demi, satisfait des prestations de son nouvel employé, il lui signe un CDI avec un salaire de 2000 euros par mois. Xavier pense déjà qu’il n’est pas impossible pour lui de songer au permis spécial super poids lourds qui donne accès aux 44 tonnes, ces semi-remorques capables de transporter des machines de chantiers comme d’énormes pelleteuses.
« Sans le mrs, précise Xavier, je n’aurais jamais bénéficié de la semi-liberté. Cette chambre d’hôtel m’a ouvert la porte de l’aménagement de peine. C’est la clé. Rien n’est possible sans le mrs. Je rencontre Olivier, mon accueillant, au moins une fois par mois ». Celui-ci confirme : « je l’écoute, nous parlons beaucoup, je le conseille, je le tempère car il va parfois trop vite »
Le mrs l’a d’abord logé pendant deux mois, à l’essai, dans un hôtel social de Boulogne, le temps de vérifier que Xavier respectait ses engagements : venir aux entretiens prévus avec Olivier, produire ses bulletins de paie, payer son loyer un mois à l’avance, soit 300 euros par mois et se comporter en locataire paisible. Puis, il a été admis dans le dispositif dit relais : six mois d’hébergement garanti, renouvelable une fois à Levallois Perret.
La chance et les amis aidant, Xavier, dès novembre 2014, se démène pour dénicher enfin un appartement où le juge d’application des peines lui permettrait, croit-il, d’emménager. Il serait chez lui, enfin chez lui, même si l’obligation de retourner en prison un week-end sur deux demeurerait toujours en vigueur. Il pourrait y recevoir ses enfants dont il a la garde, la moitié des vacances, un week-end sur deux .
Avec son fils de 9 ans, autiste à 80 %, il a renoué des liens très forts, tissé une vraie complicité. Ils vivent ensemble des grandes journées ce qui soulage beaucoup la maman. Avec celle-ci, malgré un passé écrasant, les rapports sont apaisés, pratiques. Il a aussi retrouvé sa fille de 18 ans. Ils partagent des repas, échangent, se découvrent. Après des années douloureuses, la voici en tête de sa classe, confiante en l’avenir.
Toujours fou de musique : « c’est ma passion » répète Xavier qui a monté encore un projet qui le taraude : un second disque avec son amie l’aumônière, une chorale de 5 détenus, des professionnels et d’autres proches. Un album de variétés qu’il espère cette fois mettre sur le marché si tout marche comme il en rêve.
Xavier dit :
-« Je sais qu’un tel aménagement de peine est très rare. Pourquoi me l’a-t-on accordé ? Parce que tout le monde me trouve sérieux. C’est vrai, j’ai montré, j’ai prouvé pas mal de choses ; j’ai monté des projets ; j’ai travaillé y compris sur moi- même ».
Voilà sans doute le plus important.
Xavier a une obligation de soins : il doit consulter un psychologue mais il fait remarquer qu’avant cette obligation, devenue une formalité, il a pris l’initiative, dès son incarcération ,de solliciter l’aide d’un psy, de lire des ouvrages de psychologie, de s’initier à la psychanalyse. Pour essayer de comprendre comment et pourquoi il a pu chavirer dans l’impensable :
« j’ai fait un long et profond travail sur moi-même; cela a contribué à me remettre en question, vraiment en question. C’est très positif et indispensable. Je ne suis plus le même homme. Je conseille de faire ce travail même si les détenus, en général, ne souhaitent pas reparler de l’affaire pour laquelle ils ont été condamnés. On paye pour ce qu’on a fait, disent-ils, c’est bon, ça va. Pourquoi y revenir ? Or les conseillères d’insertion, comme les psy, reviennent régulièrement sur l’affaire qui a entraîné la condamnation. Les détenus, eux, souhaitent avancer, ne veulent surtout pas revenir en arrière. Comment ne pas les comprendre ? Même moi qui suis très ouvert, quand on me reparle de mon affaire, je me demande pourquoi on veut me replonger dans la détresse. J’essaie d’avancer. Pourquoi me remettre dans le stress ? Cela dit, pour obtenir une remise de peine, il faut aller voir un psy. »
Et demain? A cette question, Xavier répond :
« je veux m’occuper de mes enfants, le plus possible, rattraper le temps perdu, passer des week-ends avec mon fils et préparer ma fin de peine. Avec les remises de peine, sans doute en février 2015 ».
Jean-Philippe Caudron
1- SPIP : Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation
2- CPIP : Conseiller Pénitentiaire d’Insertion et de Probation